Quels enjeux et besoins en matière de délégation de gestion ?

Une réflexion d’ampleur à l’AP-HP

La gestion de la crise sanitaire a eu de nombreux impacts sur les modalités de gestion des établissements de santé : raccourcissement des circuits de décision, mobilisation collective des équipes hospitalières autour d’un même objectif, remise au centre des préoccupations des besoins des services de soins pour exercer leurs missions, notamment au sein des fonctions supports… L’après-crise marque le retour des anciennes contraintes et rend d’autant plus fortes les attentes des équipes médicales et soignantes d’un renforcement de leurs capacités d’action dans leur exercice quotidien. Si ces revendications préexistaient à la crise sanitaire, le contexte actuel engage à y répondre avec force.

L’AP-HP a engagé une réflexion d’ampleur sur les organisations, afin d’actionner tous les leviers permettant d’améliorer le dialogue, les circuits de décision, les conditions d’exercice des équipes et l’attractivité de l’institution. Une évaluation des départements médico-universitaires (DMU), qui succèdent aux pôles depuis 2019, a été conduite sur la première moitié de l’année 2022 et, désormais, sont investiguées toutes les modalités possibles de renforcement de la délégation de gestion et plus largement d’optimisation des circuits de décision, dans une logique de simplification, de renforcement de la subsidiarité et de responsabilité partagée.

Dans le cadre de l’évaluation des DMU, tous les acteurs ont pu faire le constat partagé de la nécessité de clarifier le rôle de chacun, ainsi que les circuits de décision. La taille des institutions et les enjeux de maîtrise de la dépense ont pu conduire à s’attacher davantage aux impératifs de contrôle que d’efficacité. Il s’agit de retrouver un juste équilibre afin de garantir la fluidité des organisations, au service in fine de la qualité de la prise en charge et des conditions d’exercice des professionnels.
Cette réflexion est formalisée dans les « 30 leviers pour agir ensemble » de l’AP-HP.

Une mission de simplification au CHU de Nantes

Au début de l’année 2022, à l’initiative conjointe du directeur général et du président de la CME, une mission a été constituée pour aboutir à une simplification des circuits de décision et une meilleure association des responsables médicaux au processus de gestion des projets. Cette mission, composée de représentants de la direction et de praticiens (CME, chefs de pôle), a dressé un état des lieux et formulé des propositions consensuelles, désormais en cours de déploiement.

Les propositions ont été regroupées autour de trois axes :

  • fluidification du processus d’utilisation de l’intéressement ;
  • transparence sur les crédits ciblés de type MIG et mise en place d’une procédure spécifique pour la mise en œuvre directe des moyens (commission à majorité médicale et soignante pour prioriser les déploiements, définition d’une doctrine partagée) ;
  • révision du processus de gestion des projets (circuit différencié pour les projets « simples » et les projets « complexes », meilleure implication des chefs de pôle et de la gouvernance médicale dans le reporting d’instruction des projets).

Une nouvelle organisation interne au CHU de Caen

En 2022, une nouvelle organisation interne, plus fluide et adaptée au contexte local, faisant davantage de place à la confiance et à la responsabilité de chacun, a été mise en place afin de :

  • simplifier le fonctionnement quotidien par un renforcement du management de proximité et la définition d’un projet propre à chaque service ;
  • mutualiser des moyens et des outils communs (biologie, imagerie, blocs opératoires, hdj, uca…) à travers des plateformes partagées, lesquelles font l’objet d’une gouvernance dédiée ;
  • fédérer tous les acteurs d’un territoire autour de filières de soins au sein d’instituts territoriaux universitaires.

L’accompagnement à la prise de responsabilités managériales, un prérequis à la délégation de gestion

Afin de permettre une délégation de gestion participative et facilitante, les équipes médico-administratives des établissements doivent prendre en compte et accompagner les besoins des professionnels médicaux et paramédicaux pour leur permettre de trouver leur place dans les processus de gestion. Cela passe notamment par un accompagnement des parcours managériaux et la mise en place de formations, de communication ou par une sécurisation de la carrière.

Il apparaît nécessaire de moderniser les approches du management et de favoriser les innovations managériales médicales en inscrivant la délégation de gestion dans un projet global de management et de gouvernance de l’établissement, porté par le binôme directeur/PCME.

L’école du management d’HUGO

Depuis 2016, le GCS HUGO propose un parcours de formation à destination des médecins, odontologistes et pharmaciens titulaires des établissements membres, exerçant des fonctions d’encadrement ou amenés à en exercer dans un futur proche.
Cette formation permet d’accompagner les praticiens du GCS HUGO dans le développement de leurs connaissances et de leurs compétences managériales.

Trois promotions sont d’ores et déjà diplômées de l’école du management d’HUGO. Ce sont ainsi près de 90 praticiens qui ont pu bénéficier du dispositif.

Le GCS HUGO s’est associé en 2020 à l’EHESP pour concevoir un cycle de formation rénové, qui intègre leurs expertises complémentaires et valorise le travail en réseau.

Ce cycle de formation, dispensé sur une année, veut favoriser un dialogue fructueux entre deux cultures complémentaires : la santé publique et le management.

Certains modules ciblent une meilleure compréhension du fonctionnement hospitalier et du système de soins. D’autres permettent aux participants de disposer d’outils pour le management et la gestion de projets, et de favoriser le travail collaboratif par le retour d’expérience et l’échange sur les pratiques. Le co-développement est un fil rouge tout au long de la formation animée par un praticien certifié et rompu à cette pratique.

L’objectif est également de permettre des échanges de pratique entre les professionnels qui partagent des problématiques communes et d’initier une dynamique collaborative qui peut se poursuivre au-delà du parcours de formation. À l’issue de ces modules, un mémoire professionnel valide le cursus de formation par l’obtention par équivalence du diplôme d’établissement « Médecin manager » délivré par l’EHESP.

Les orientations stratégiques de l’établissement ainsi que son fonctionnement quotidien doivent pallier un sentiment de coupure existant entre le management médico-administratif de l’hôpital et les acteurs de terrain, en cohérence avec le besoin de reconnaissance du service.

De façon générale, le circuit de décision doit être plus clair pour faciliter la compréhension du schéma de gouvernance interne, à tous les niveaux. Il doit également permettre une différenciation du traitement des projets en fonction de leur dimension, afin d’éviter les blocages et réduire les délais d’instruction. Au sein des directions, une réflexion autour des objectifs de rapidité et d’efficacité de traitement dans les équipes pourrait être envisagée.

Conscients des enjeux attachés au sujet de la délégation de gestion, les CHU s’inscrivent dans une dynamique de partage et d’évaluation des pratiques afin d’identifier et de définir un périmètre clair de délégation, dans les domaines les plus mobilisateurs, tout en préservant des domaines qui ne peuvent relever que de la gouvernance centrale.

Quelles perspectives d’élargissement du périmètre et du contenu de la délégation de gestion ?

La priorité est de généraliser le principe de l’association des chefs de pôle et de service aux décisions qui les concernent, dans l’esprit de la majorité des pratiques existantes et dans la suite de la circulaire Claris. Au niveau institutionnel, cela doit passer par l’association des chefs de pôle au directoire ou, à défaut, à une instance de concertation dédiée au sein de la gouvernance.

Au-delà des domaines classiques de suivi d’activité, performance et de qualité des soins, d’autres champs de délégation sont à envisager, dans le respect des variétés d’approche et en fonction de la culture d’établissement.

Ainsi, l’autonomie dans la gestion des ressources humaines pourrait être renforcée (sur la base de pratiques et règles de gestion communes à tout l’établissement) par la délégation de certains processus de recrutement, de moyens de remplacement ou encore d’organisation de formations. Ces marges de manœuvre sont possibles sous réserve de ne pas porter atteinte à l’équité de traitement sur les règles de gestion fondamentales (rémunération, modalités de recrutement) que doit garantir l’institution à travers ses lignes directrices de gestion.

Apparaissent également comme à développer les délégations dans les domaines du management et de la qualité de vie au travail, de la recherche et de l’innovation, des projets à dimension territoriale.

En fonction des projets d’établissement, les petits travaux, les équipements hôteliers ou le petit matériel informatique peuvent également être délégués au niveau des pôles, tandis que les achats et investissements du quotidien peuvent se déléguer au niveau du service.

La Conférence des directeurs généraux de CHU a repéré trois grands axes de travail pour généraliser les bonnes pratiques en matière de délégation de gestion et de simplification du processus de décision dans les CHU :

  • des outils d’appui aux pôles pour lutter contre les irritants du quotidien ;
  • la pratique des « délégations d’enveloppes » suivant des montants et des natures de dépenses à contractualiser entre les pôles et l’établissement ;
  • responsabiliser les acteurs et évaluer la mise en œuvre des projets.

Ces trois grands axes sont développés dans la « boîte à outils » présentée page suivante.