« Assèchement des territoires », « déshabillage des hôpitaux de proximité », « machine à inégalités », les mots durs sur les groupements hospitaliers de territoire de certains parlementaires n’ont pas manqué lors des débats de novembre 2020 sur la proposition de loi Rist visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Pourtant, sur le terrain, de nombreux exemples montrent que l’offre de soins de proximité bénéficie de l’engagement des CH et des CHU dans un cadre rénové pour les acteurs de soins de proximité.

Depuis la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé du 24 juillet 2019, chacun convient de la nécessité de réinvestir l’offre de soins de proximité : labellisation et soutien des hôpitaux de proximité, développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des formes coordonnées d’exercice pluridisciplinaire dans le secteur libéral. La crise sanitaire a par ailleurs démontré que les GHT les plus intégrés étaient ceux qui avaient le mieux fait face à la crise sanitaire. En coordonnant l’offre de soins de crise, en déployant des équipes mobiles territoriales extrahospitalières (fortement incitées depuis), en mettant à disposition des acteurs de proximité toutes les expertises disponibles, les CHU ont montré qu’ils étaient fortement impliqués, à la fois en proximité (métropole), au sein de leur GHT (échelle départementale le plus souvent) et à l’échelle de la subdivision universitaire.

Les hôpitaux de proximité sont à nouveau soutenus depuis 2019. Plus de 220 d’entre eux ont déjà été labellisés. Reconnus dans la loi, ils sont désormais identifiés comme les pivots de l’offre de soins de proximité avec l’ensemble des parties prenantes du territoire de santé : professionnels du secteur médico-social, acteurs du domicile, représentants des usagers, professionnels de ville, collectivités territoriales ainsi que les autres établissements de santé (MCO, SSR, HAD, psychiatrie).

Le GHT est un point d’appui majeur dans la construction du projet de santé territorial de proximité à travers des conventions d’association GHT/hôpitaux de proximité obligatoires en cours de formalisation dans toute la France. La structuration de plusieurs filières majeures doit en découler : la médecine polyvalente, pour les affections chroniques, la gériatrie, l’aval des séjours aigus (SSR, Ehpad, maisons d’accueil spécialisées, etc.), ainsi que la réhabilitation pneumologique et cardiologique. Les parcours d’admissions directes des personnes âgées de l’hôpital de proximité ou du médecin traitant dans le centre hospitalier de recours sont devenus une réalité dans beaucoup de territoires, à l’image du GHT Touraine-Val-de-Loire.

Les établissements supports développent également des consultations avancées, la télémédecine, les avis spécialisés, permettant d’allier proximité et expertise.

On peut ainsi citer l’exemple du GHT de Maine-et-Loire qui a structuré une filière post-AVC avec les SSR des hôpitaux de proximité ou encore la mise en place de consultations avancées d’ophtalmologie dans un camion mobile sur les parkings d’Ehpad des différents établissements de proximité du GHT.

Les nouveaux métiers soignants sont aussi une opportunité pour les hôpitaux de proximité. Les consultations avancées et temps partagés d’infirmiers en pratique avancée (IPA) permettent d’investir de nouvelles compétences expertes dans les bassins de proximité. Le CHU de Brest a par exemple, dès la mise en place des formations IPA, inscrit leurs missions dans une dynamique territoriale. C’est ainsi que le premier projet médical du GHT de Bretagne Occidentale prévoyait déjà la formation et le déploiement d’IPA « pathologies chroniques » dans ses quatre hôpitaux de proximité. Elles sont en cours de formation. Autre exemple : l’équipe d’IPA « oncologie » du CHU de Brest est renforcée par une IPA partagée entre Brest et le CH de Landerneau. Cet hôpital dispose du statut d’établissement associé lui permettant de prendre en charge des patients pour leurs soins de chimiothérapie au plus près du domicile. Dans ce cadre, l’IPA valide des chimiothérapies, assure une évaluation des patients, notamment âgés, et le suivi des patients traités à Landerneau. Cette compétence IPA vient conforter l’implication médicale territoriale existante.

Les maisons de santé et les CPTS se développent fortement ces dernières années : 134 CPTS sont désormais actives dans les régions et couvrent 19 % du territoire national. Les GHT, après avoir approfondi leur structuration avec la mise en place des commissions médicales de groupement, dans le même temps qu’ils mettaient à jour leur projet médico-soignant partagé, sont en train d’accélérer leur ouverture vers le monde libéral. Ce travail nouveau, suscitant beaucoup d’attentes des professionnels libéraux vis-à-vis du monde hospitalier, permet de dépasser les anciens clivages, avec désormais des interlocuteurs identifiés au niveau des libéraux, reconnus par leurs pairs, pour travailler sur les enjeux de santé d’un bassin de population.

Les CHU sont ainsi de plus en plus nombreux à s’investir dans les relations ville/hôpital, le cas échéant, en mettant en place des directions dédiées (Angers, Nantes, Poitiers, etc.), voire en s’investissant directement dans des centres de santé à destination des publics les plus fragiles et éloignés du système de santé.

Pour l’avenir, le rôle des élus, à la fois locaux et nationaux, sera déterminant dans le développement de cette offre de soins de proximité, qui a besoin d’un portage politique fort (comité territorial des élus locaux par exemple), et pour répondre aux attentes des habitants.

Enfin, les moyens juridiques actuels des GHT devront être renforcés : personnalité morale du GHT, directions communes, titularité des autorisations par le GHT. Quatre niveaux simples d’autorisation doivent par ailleurs pouvoir être retenus dans l’esprit de la réforme des hôpitaux de proximité : proximité, référence, recours et complexité, dans un schéma et lisible pour les usagers du système de santé. Les GHT doivent pouvoir expérimenter des missions de coordination et d’animation du territoire, en lien avec les délégations territoriales des ARS. En outre, sur le volet RH du GHT, la gestion des corps de direction doit être revue à l’aune de ces évolutions pour faciliter la constitution d’équipes de direction de territoire. Ces évolutions devront être portées par les futures autorités en responsabilité, au risque sinon que ces « belles histoires » restent à l’état d’expériences locales.

Les acteurs des gouvernances hospitalières – directeurs, présidents de CME, doyens – sont aujourd’hui complètement investis sur ces évolutions de l’offre de soins de proximité, qui seront un enjeu fort du « volet santé » des débats des présidentielles et des législatives de 2022.

La crise Covid, en même temps qu’elle appelle une autre façon de penser les débats sur l’évolution du système de santé, est le précurseur d’un mouvement de fond, celui du besoin d’un nouveau pacte avec les territoires ; les résultats des politiques doivent être visibles et concrets dans chacun des territoires de santé.

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