Textes juridiques

  • Code général de la fonction publique : Chapitre IV : Protection dans l’exercice des fonctions :
    (articles L.134-1 à L.134-12), notamment l’article L.134-9
  • Décret n°2017-97 du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par l’agent public ou ses ayants droit
  • Circulaire FP n° 2158 du 05 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’État
  • Arrêté du 26 mai 2021 relatif aux procédures de recueil et d’orientation des signalements effectués par les agents s’estimant victimes ou témoins d’actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes
  • Fiche de demande de protection fonctionnelle

Définition

  • À raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le Code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l’ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues à l’article (L.134-1 du CGFP), d’une protection organisée par l’administration qui l’emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire.
  • Pour pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle, la faute de l’agent doit être commise dans l’exercice de ses fonctions (c’est-à-dire pendant le service, avec les moyens du service, et en dehors de tout intérêt personnel).
  • Cette notion est strictement interprétée par la jurisprudence : une faute d’une particulière gravité fait obstacle à la protection fonctionnelle même si elle est liée à l’exercice des fonctions de l’agent (CAA Paris, 14 févr. 2020, n° 18PA00465). La même solution est retenue si la faute révèle des préoccupations d’ordre privé, ou si elle procède d’un comportement incompatible avec les obligations liées aux fonctions exercées (CE, 30 décembre 2015, commune de Roquebrune-sur-Argens,
    n°391798 CE, 11 février 2015, ministre de la Justice c/M. A, n° 372359).
  • Le conseil d’État a posé comme principe général du droit que l’administration ne peut déroger à son obligation d’accorder la protection fonctionnelle (CE, 14 févr. 1975, Teitgen)

Durée de la protection

Aucune limitation

Bénéficiaires

Agent victime

  • L’article L. 134-5 du CGFP indique que :
    L’administration est tenue de protéger l’agent public contre les atteintes volontaires à l’intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
    Il s’agit d’une liste non exhaustive.

1- Protection en cas d’attaques

Protection fonctionnelle à partir du moment où trois conditions cumulatives sont remplies :

  • lorsque les attaques sont dirigées contre l’agent public ou contre ses biens personnels,
  • lorsqu’elles ont pour objectif de nuire à l’agent public en raison sa qualité ou de ses fonctions actuelles ou antérieures (ce, 6 novembre 1968, Morichère, n°70283),
  • les attaques doivent être réelles pour bénéficier de la protection fonctionnelle, l’agent public doit établir la matérialité des faits et le préjudice direct qu’il a subi (CCA Versailles, 2 févr. 2012, n°09VE03060 ; CAA Bordeaux, 30 janv. 2017, n° 15BX00889).

2- Protection en cas de harcèlement (sexuel ou moral) (L.133 CGFP)

  • Le harcèlement peut être effectué par une personne extérieure ou intérieure à l’administration, très souvent le supérieur hiérarchique.
  • Le harcèlement est constitué à partir du moment où l’exercice du pouvoir hiérarchique prend une tournure anormale et excessive avec de dénigrements guidés par des motivations étrangères à l’intérêt du service. (CE 30 décembre 2011, commune de Saint-Péray, n° 332366).
  • Le supérieur hiérarchique accusé de harcèlement ne peut pas prononcer sur la demande de protection. Il doit la transmettre au directeur général de l’ARS dont relève l’établissement (CE, 29 juin 2020, centre hospitalier Louis-Constant-Fleming de Saint-Martin, n° 423996, CAA Bordeaux, 29 déc. 2020, n°18BX02773)
    Le cadre juridique de la protection contre le harcèlement est renforcé :
  • en premier lieu par l’admission d’un « devoir de dénonciation du harcèlement », qui atténue dans ce cas la portée du devoir de réserve auquel est soumis l’agent public (art. L.133-3 CGFP ; voir aussi CAA Marseille, 27 sept. 2011, n° 09MA02175, AJFP, n°4, juillet-août 2012, p. 202) ;
  • en deuxième lieu par la reconnaissance que « le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un agent une liberté fondamentale » protégée par la voie du référé-liberté (ord. CE,
    19 juin 2014, n°381061, commune du Castellet, La Quinzaine juridique, n°506, 14 juill. 2014, p. 2).
  • en troisième lieu, la charge de la preuve en matière de harcèlement est allégée. Dès lors que l’agent victime fournit des éléments de faits constitutifs de harcèlement, il « incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement » (CE, 11 juillet 2011, n° 32 1225 ;
    CAA Marseille, 15 janvier 2019, n°17MA00578).

3- Agent responsable

Sauf en cas de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions :

  • l’article 134 -4 CGFP indique que :
    L’agent doit bénéficier de la protection fonctionnelle lorsqu’il fait l’objet de poursuites pénales pour une faute de service (voir aussi CE 11 févr. 2015, garde des Sceaux, n° 372359).
    Cette protection inclut la citation directe devant la juridiction pénale, la mise en examen par le juge d’instruction, la convocation dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, une garde à vue, une comparution comme témoin assisté et une mesure de composition pénale ou de médiation pénale. 
  • L’article L. 134-2 et 3 du CGFP indique que :
    • la responsabilité civile de l’agent ne peut pas être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute de service,
    • lorsque le fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service, l’administration doit le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.

Compétences

Pour un directeur exerçant en établissement public de santé (chef d’établissement et directeur adjoint) :
concernant les directeurs des centres hospitaliers, en tant qu’agent public victime ou responsable, l’article L. 134-9 du CGFP qui renvoie à l’article L.5 du même code prévoit expressément que la protection fonctionnelle est mise en œuvre par le directeur général de l’agence régionale de santé compétent.

Procédure

  • Le directeur du centre hospitalier souhaitant bénéficier de la protection fonctionnelle adresse sa demande motivée et comportant toutes les précisions nécessaires quant aux circonstances de fait, le cas échéant par la voie hiérarchique, au directeur général de l’agence régionale de santé.
  • La demande peut être formulée par écrit à tout moment (CE, 9 déc. 2009, n° 312483).
  • Le directeur du CHU doit apporter la preuve des faits pour lesquels il demande la protection fonctionnelle (CCA Versailles, 2 févr. 2012, n° 09VE03060 ; CAA Bordeaux, 30 janv. 2017,
    n° 15BX00889).
  • L’administration saisie doit apporter une réponse écrite à l’agent. Un refus doit être motivé et indiquer les voies et délais de recours. Le silence gardé plus de 2 mois vaut décision de rejet de la demande. L’article 3 du décret n°2017-97 du 26 janvier 2017 précise que « la décision de prise en charge au titre de la protection fonctionnelle indique les faits au titre desquels la protection est accordée. Elle précise les modalités d’organisation de la protection, notamment sa durée qui peut être celle de l’instance ».
  • L’administration peut retirer ou abroger une décision d’octroi de protection fonctionnelle, si des éléments permettent à postériori de considérer que l’agent n’y avait pas le droit.
  • En cas de refus de l’administration, l’agent dispose de plusieurs recours :
    • recours administratif préalable,
    • recours pour excès de pouvoir,
    • recours de plein contentieux,
    • référé-liberté,
    • un recours tendant à engager la responsabilité de l’administration défaillante, du fait du préjudice matériel ou moral, ou du préjudice de carrière, causé par le refus fautif d’accorder
    la protection fonctionnelle (CAA Nancy, 11 déc. 2014, n° 13NC01113).

Étendue

Mesures de protection

1 – Mise en place immédiate des mesures nécessaires pour faire cesser les attaques dont l’agent ou ses proches sont victimes (art. 134-7 CGFP). Le cas échéant, engagement de poursuites par l’administration (art. L.134-8 du CGFP), engagement de poursuites disciplinaires, autorisation d’absence, actions de soutien moral et de communication (circulaire FP n° 2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’État).
2 – Assistance dans les procédures judiciaires engagées, prise en charge des frais de procédure et d’avocat (décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par l’agent public ou ses ayants droit ; CE, 8 juillet 2020, n°427002) :

Deux hypothèses pour la prise en charge des frais d’avocats :

  • La première est prévue par l’article 5 du décret : elle s’applique lorsqu’une convention d’honoraires a été conclue entre l’administration et l’avocat : dans ce cas, la convention devra déterminer le montant des honoraires pris en charge selon un tarif horaire ou un forfait qui devra être déterminé en fonction des difficultés de l’affaire. L’administration réglera alors directement à l’avocat les frais prévus par la convention ;
  • La deuxième est prévue par l’article 6 du décret : elle s’applique lorsqu’il n’existe pas de convention d’honoraires : dans ce cas, les frais seront réglés directement par l’administration à l’agent, à la condition qu’il présente les factures qu’il a acquittées. Le décret prévoit également que le montant de prise en charge des honoraires est limité par des plafonds horaires fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé de la justice ainsi que du ministre chargé du budget (art. 6 du décret).
  • Quant à l’article 7 du décret, celui-ci prévoit que l’administration ne pourra prendre en charge qu’une partie des honoraires dès lors qu’ils apparaissent manifestement excessifs (Conseil d’État du 2 avril 2003, n°249805).

Mesures de réparation

  • Réparation intégrale des préjudices subis (moral ou matériel).
  • Remboursement des condamnations civiles pour faute de service, incluant les frais irrépétibles
    (CE, 17 mars 1999, n°196344).