Santé : « Huit propositions pour que les CHU conservent un haut niveau d’ambition »

Le rôle essentiel de ces établissements de santé doit être conforté, plaident les présidents des trois conférences hospitalo-universitaires dans une tribune au « Monde ». Ils suggèrent plusieurs pistes aux aspirants à l’Élysée.

Tribune. La crise sanitaire n’a pas entraîné l’implosion de notre système de santé, mais elle emporte légitimement une crise de sens pour bon nombre d’hospitaliers. En deux ans, le rapport à l’hôpital a radicalement changé, passant des applaudissements aux violences, de la mobilisation générale à la fatigue collective. Si la crise a exacerbé les tensions, leur origine est plus ancienne et s’alimente à d’autres sources, notamment à celle d’un « hôpital bashing » déprimant pour les professionnels et délétère pour les usagers. Dans cette période, il faut rappeler à l’hôpital et aux hospitaliers, sans misérabilisme ou héroïsation mais avec constance et détermination, la reconnaissance qu’ils méritent.

Si les professionnels sont encore et toujours présents pour gérer la crise, c’est grâce aux personnes, quelles que soient leurs fonctions, qui, au nom de l’action publique, placent l’intérêt général devant leurs ambitions et leur confort. En dépit du fait que cette force de résilience et d’adaptation des professionnels soit de nouveau fortement mise à l’épreuve par une crise sanitaire qui bouleverse de nombreux fondamentaux, les programmes des candidats à l’élection présidentielle ne semblent pas s’emparer suffisamment des spécificités de l’hôpital, épine dorsale de notre système de santé. Or construire aujourd’hui la réponse aux besoins de santé des prochaines générations est impératif et impose de s’extraire, le temps d’une réflexion, d’un quotidien complexe et difficile mais que nous devons surmonter.

L’élection présidentielle offre un temps fort pour les débats sociétaux majeurs, dont la santé fait partie au premier chef. Les Conférences des présidents de commission médicale d’établissement, des directeurs généraux et des doyens des facultés de médecine, portant la parole des établissements de première ligne que sont les centres hospitaliers universitaires (CHU), ont voulu contribuer au débat pour un hôpital solidaire et accessible, innovant et écologique, soutenable et sécurisant, répondant aux enjeux de la période. Pour les trois conférences hospitalo-universitaires, être soignant, c’est bien « refuser de subir et décider d’agir », selon l’expression de Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs, dans une tribune publiée le 4 janvier dans Le Monde. Elles en appellent à un véritable projet présidentiel en matière de santé afin de conserver un haut niveau d’ambition pour les CHU.

Penser l’organisation du système de santé

Au sein de l’hospitalisation publique, les CHU assurent un rôle particulier auprès des populations. Les trois conférences formulent, pour les CHU, huit propositions à l’attention des candidats à l’élection présidentielle. Celles-ci ont pour ambition de repositionner chaque acteur du système de santé à sa juste place ; de permettre à la recherche dans les CHU, aux côtés de l’université, de contribuer à inventer les thérapies de demain ; de recruter davantage de médecins et de soignants ; de faire évoluer la mission des CHU sur les territoires pour qu’ils demeurent une réponse de premier rang en matière de recherche, de soins et d’enseignement.

On ne peut que regretter la place encore trop réduite donnée à l’organisation globale du système de santé dans les programmes des postulants à la plus haute charge du pays. Si le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts envers les hospitaliers à travers le Ségur de la santé, c’est bien de ce sujet qu’il doit être question aujourd’hui, en redéfinissant la place de chacun des acteurs et les contraintes à endosser par eux dans une offre de soins territoriale réellement graduée.
Dans cet ensemble, les CHU occupent une place particulière que la gestion de la crise épidémique a de nouveau largement mise en évidence. Alors qu’ils sont un maillon essentiel du soin, de la recherche et de la formation, leur rôle doit être conforté dans plusieurs directions, éclairées par la plate-forme de huit propositions pour le quinquennat portées par les trois conférences :

  • Favoriser l’éclosion de pépinières de l’innovation en santé ;
  • Fluidifier les liens de la recherche entre les CHU et les universités, et dynamiser le financement de la recherche ;
  • Contribuer à la structuration d’un consortium des usages du numérique en santé à l’échelle européenne ;
  • Mettre en place un contrat social pour l’emploi et la fidélisation des professionnels de santé ;
  • Produire un pacte d’engagement écologique promouvant l’innovation environnementale dans une approche globale « One Health » [« une seule santé », concept fondé sur l’interdépendance entre les santés animale, humaine et environnementale] ;
  • Mettre en œuvre une réforme pour un modèle de financement plus pertinent qui libère les énergies ;
  • Changer l’échelle de la coopération territoriale animée par les CHU et les centres hospitaliers régionaux ;
  • Valoriser le rôle des CHU dans le rayonnement international de la France.

Le modèle des CHU est une force pour notre pays, un objet précieux auquel il est temps de manifester un regain de considération, qui ne peut se limiter à des cercles d’initiés mais doit relever d’une approche citoyenne.

Patrice Diot
Président de la Conférence des doyens de médecine

Marie-Noëlle Gérain-Breuzard
Présidente de la Conférence des DG de CHU

François-René Pruvot
Président de la Conférence des PCME de CHU

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